Coutume particulièrement fréquente dans l’histoire du hip-hop, les rappeurs ne se font pas prier pour prendre la lumière dès l’adolescence ou bien même dès l’enfance. Ce cas de figure devient toujours plus complexe par la suite avec globalement trois issues possibles : une évolution manifeste sur le plan artistique en grandissant, une confirmation totale menant au succès mainstream prolongé… et une Bow Wow. Inutile de s’étendre davantage sur ce sujet diablement vaste qui pourrait presque faire l’objet d’un livre aussi bien pour les nombreux exemples du passé que pour les manigances souvent très discutables opérées derrière ces jeunes prodiges. On va évoquer dans cet article un cas bien plus romantique d’un point de vue rap : l’histoire d’un ado qui va charmer les rues de toute la Floride en seulement quelques mois de pratique tout en s’enregistrant à l’aide de son téléphone.
La carrière de Luh Tyler étant encore infiniment jeune à ce stade, il s’avère difficile de se documenter décemment à son sujet. Commençons par l’essentiel, notre jeune phénomène, du haut de ses 16 ans, nous vient tout droit de Tallahassee en Floride. Il se forge musicalement en écoutant les têtes de sa ville tels que Wizz Havinn et Real Boston Richey mais aussi les rappeurs tendances du Michigan que sont Rio Da Yung OG, Peezy ou encore Veeze. La présence de ce dernier dans cette liste n’est d’ailleurs pas anodine, en plus du fait que les deux artistes se sont révélés via un sample du thème de Law & Order, on retrouve de nombreuses similitudes dans leurs approches micro en mains.
Mais pourquoi Luh Tyler plait il autant ? Comme notre confrère Alphonse Pierre de Pitchfork l’avait assez bien résumé, le jeune prodige se présente à nous comme l’ado le plus cool de la planète. Sans trop en faire, la prochaine tête d’affiche raconte la vie banale d’un teenager de son quartier : fumer de la weed, draguer des filles, bosser son flex et faire de l’argent. Sa manière si naturelle de dire les choses lui donne un charisme des plus épatant à un si jeune âge qui ne laisse personne indiffèrent. Sa façon de poser fait également bien des différences, il ne force rien et joue sur une aisance au bord de la désinvolture venant apporter une autre dimension à ses lines. Comme évoqué précédemment, on retrouve un arrière goût d’artistes tels que Veeze ou Baby Smoove dans sa manière d’appréhender les prods mais également des inspirations assez fortes des icônes actuelles de sa région que sont Kodak Black ou encore Trapland Pat.
Qui dit type cool signifie aussi se faire une place dans le rap sans rien forcer. Luh Tyler aurait commencé à rapper plus ou moins sérieusement seulement à partir de l’été dernier. Il commence avec les moyens du bord, à savoir des beats qu’il trouve sur YouTube et son téléphone comme méthode d’enregistrement. C’est dans ses conditions qu’il sort le premier gamechanger de sa carrière, au bout de seulement quelques mois : « Law & Order ». Un exercice loin d’être évident étant donné qu’on s’est mangé des morceaux à foison ces dernières années reprenant ce thème mythique. Le jeune rappeur exprime ses ambitions à travers ce banger avec une facilité déconcertante :
« I’m tryna get straight to the bread, keep on runnin’ up that change
They like, « Who is that? He snappin’, » ask your bitch, she know my name »
Avec cet unique banger, Luh Tyler devient un phénomène viral dans le très actif street rap de Floride et tout va dès lors s’enchaîner très vite. Il va sortir des street hits les uns après les autres tels que « Fat Racks », « I Got A Dollar », « Can’t Even Name Diss » ou encore « Moon ». Son ascension traverse rapidement les frontières de la Floride malgré une double vie assez atypique puisqu’il est encore au lycée et doit donc se contenter au mieux de deux séances studio par semaine. L’ado star expliquait même en interview que les profs lui mettaient sur le dos une forte déconcentration de ses camarades en raison de sa notoriété grimpante. Dans ce contexte, il peut effectivement s’avérer compliqué de garder les pieds sur terre. L’artiste de Tallahassee parvient malgré tout à maintenir une certaine déconnexion marquant une certaine cohérence avec sa musique.
Luh Tyler semble plus que jamais, ces dernières semaines, bien parti pour poursuivre sur sa lancée avec la sortie de plusieurs excellents titres. On a eu tout d’abord une collaboration particulièrement attendue avec un autre crack de Floride, Loe Shimmy, sur le titre « A Day In the Noya ». Son premier fait d’arme par la suite fut l’hypnotique banger « Back Flippin » qui se place comme son plus gros succès depuis Law & Order. Enfin, il révélait très récemment une collaboration avec un de ses modèles, Trapland Pat, avec le morceau « Can’t Move Wrong ».
« N***a, we been gettin’ to that bag, that’s what I’m runnin’ up (That’s what I’m runnin’ up, n***a)
And my name been getting hot up in the streets, say I’m burnin’ up (Say I’m burnin’ up, yeah)
N***a, ain’t no doubt about it, niggas know for sure I’m coming up (Yeah, I’m comin’ up, n***a) »
Luh Tyler compte pour le moment continuer de sortir des singles accompagnés de clips destinés notamment aux fans de street rap. Bien que l’idée d’un premier projet commence à lui effleurer l’esprit, il ne s’agit pas pour autant d’une ambition sur le court terme. D’après ses propos en interview, on peut même probablement s’attendre à le voir signer dans une grosse écurie avant même qu’il ne dévoile son premier opus. En tout cas, on ne peut qu’être impatient d’assister à la suite de la carrière du prodige qui pourrait bien devenir la prochaine grande superstar du rap. La route sera longue mais son départ lui laisse une belle marge d’avance.
Article écrit par Eddy.
(Crédit Visuel Bannière : Photographe inconnu / Graphisme @paul_rss)
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