Tupelo est une petite ville du Mississippi connue pour être la ville de naissance d’Elvis Presley, ce blanc qui chantait et dansait aussi bien qu’un noir. Il est amusant que Tupelo soit aussi la ville de naissance de Thomas Wesley Pentz, mieux connu sous le nom de Diplo et qui ne danse et ne chante pas, mais partage avec son compatriote un certain goût du vampirisme musical. Fort de 139 singles, 24 EP et surtout 229 apparitions, Diplo a l’air de considérer sa carrière comme un long travail collaboratif, plus ou moins harmonieux et proportionné, comme il le raconte à Billboard : “I want to find a new artist I can fight with all the time and make awesome songs with”.
Depuis le début des années 2000, Diplo est partout, et on ne pourrait trouver description plus juste que celle de sa bio twitter, qui est aussi le nom d’une compilation sortie en 2014 : « Random White Dude Be Everywhere » ; titre oscillant entre le vaguement provoquant et le pathétique. Certains de ses projets sont étonnants, voire questionnables jusque dans leur raison d’être. Aussi, Blow Your Head : Diplo Presents Dubstep sorti en 2010 —titre sans prétention aucune à l’évidence— interroge sur ce qu’un producteur américain mainstream aurait à exprimer de pertinent sur le dubstep anglais qu’il affectionne tant, si ce n’est réduire tout un genre à une playlist de 16 titres. Cette compilation est plaisante car les morceaux qui la composent le sont, mais n’importe qui aurait pu l’élaborer : un fan ou un algorithme. Bien que cela puisse être l’inclination vers laquelle tendrait n’importe quelle compilation, on peut remettre en cause le bien-fondé de la démarche de Diplo qui tire profit d’un genre, d’un espace et d’une culture qui a priori ne le concernent pas.
Cet article ne cherchera pas à démontrer en quoi ce random white dude devrait tout aux autres, mais tentera plutôt de rendre compte d’un étrange idéal de syncrétisme musical dans l’art bâtard et désinvolte du mashup, que lui, M.I.A. ou encore Santigold ont travaillé à rendre tangible entre 2004 et 2008. Piracy Funds Terrorism et Top Ranking: A Diplo Dub sont deux projets utopiques qui allient spontanéité et esprit de piraterie.
Avant ces projets en question, ou comme pour mieux les préparer, Diplo sort deux mix de funk carioca, que l’on connaît mieux sous le nom de baile funk hors des frontières du Brésil. La funk —carioca, du nom des habitants de Rio de Janeiro— est un genre, à l’origine influencé par le hip-hop pratiqué par les habitants des favelas de Rio. Dans les années 80, le genre décline en tant que tel et mute sous l’impulsion de DJs qui, lors de leurs soirées, jouaient essentiellement de la bass music de Floride (la miami bass) jusqu’à ce que les artistes brésiliens l’intègrent suffisamment pour proposer, à leur tour, leurs versions lusophones de ces morceaux. Ce jeu de circularité et de transfert d’influence culturelle est récurrent dans la musique, notamment dans les liens qu’entretiennent les anciennes colonies aux empires coloniaux —l’Angola et le Portugal avec la batida ou encore la Jamaïque et le Royaume-Uni avec la jungle.

Diplo ayant grandi en Floride, et fréquentant de près ses clubs, il est logique qu’il ait développé un intérêt certain pour le pendant brésilien transfiguré de la miami bass. On peut considérer ces deux mix — Favela on Blast (2004) et Favela Strikes Back (2005) — comme une intéressante première mise en contact avec les textures sonores et la structure des morceaux de baile funk. Le premier est un long mix d’une trentaine de minutes qui peut servir de musique d’accompagnement au documentaire du même nom qu’il ira tourner au Brésil avec Leandro HBL. Avec ce documentaire, Diplo tente de rendre compte du climat, notamment social et culturel, qui a permis l’émergence de ce genre. De façon plus intime, il se rend aussi chez des DJ, comme Jorginho Matarazzo, à qui l’occasion est donnée pour pouvoir revenir sur sa vie, ses influences tout en expliquant assez précisément la façon dont il compose et enregistre ses morceaux.
Dans son mix Favela on Blast, Diplo associe des chansons diverses de carioca à des échantillons de chansons célèbres. Ce procédé de collage est repris dans le second mix : en moins de cinq minutes il fait s’enchaîner « Sweet Dreams » d’Eurythmics, la sérénade n°13 de Mozart, « U Can’t Touch This » de MC Hammer, et « Breathe » des Prodigy. Ce roller-coaster d’émotions tend à diminuer la force du son carioca (les percussions, le beat 808) pour se concentrer plutôt sur la facétie du mashup et un enchaînement sans fin de bangers. Même si les morceaux brésiliens intègrent aussi des samples réjouissants —on nomme montagem la superposition d’une chanson populaire à un beat hip-hop— il est un peu injuste que Diplo en fasse le seul principe esthétique du style. Dans mon expérience personnelle de certains morceaux de miami bass, et de musique électronique en général, l’intérêt réside souvent dans la pure force de la répétition. Aussi, je recommanderai « Phantom » du rappeur et DJ floridien, DJ Laz sur l’album Journey Into Bass. Au cœur de cet album de musique de club se niche une extraordinaire ballade instrumentale construite autour d’un enchaînement de quelques accords et d’une ritournelle de piano mélancolique : cinq minutes d’extase continuelle, à écouter en revenant de club.
Le fait de vouloir accroître l’intérêt d’un son, voire de le rendre plus attirant en y injectant de façon effrontée des marqueurs culturels dominants questionne. Néanmoins, il semble clair que ces deux mix ont une volonté assez claire de vulgarisation et sont un terrain de jeu pour un DJ pas toujours très fin dans ses choix de collage. Par ailleurs, cette introduction ne permet pas pour autant à l’auditeur·ice de mieux appréhender la musique ; même les crédits des artistes brésiliens sont absents, en vertu de la forme brute et officieuse des mix. Ils disparaissent alors au profit d’une série de tracks anonymisées allant de 1 à 20. Pour qui voudrait se plonger dans le genre, on lui conseillera d’aller directement écouter des artistes brésiliens comme DJ Sany Pitbull, DJ Marlboro ou encore MC Galo qui apparaissent tous les trois dans le documentaire Favela on blast. Pour autant, les expérimentations musicales et filmiques de Diplo auront permis de rendre le baile funk accessible, ou du moins audible pour un plus grand nombre. On peut néanmoins se demander si ce n’est pas lui qui en a tiré le plus de bénéfice, tant financier que récréatif, ayant le privilège de pouvoir mixer une musique venant d’ailleurs depuis chez lui. Plus de bénéfice que les artistes dont il se sert, et plus que l’auditeur·ice qui chercherait à découvrir un genre.

Je relève cependant quelques expérimentations réjouissantes qui annoncent les projets à venir. En vrac : les quelques secondes de la ligne de basse de « Baby Got Back » de Sir Mix-A-Lot (« Track 16 », Favela Strikes Back), les violons de « Die Another Day » de Madonna (« Track 17 », Favela Strikes Back), ceux de « Bitter Sweet Symphony » (Favela On Blast) ou le riff de guitare de « Under Pressure » de Bowie (Favela On Blast), comme autant de petits éléments musicaux qui se fondent dans l’architecture des morceaux d’origine, et mettent en valeur la rythmique et les voix plus qu’ils ne détournent l’attention.
C’est un semblable principe de mashup —quoique plus aiguisé— qui est à l’œuvre dans Piracy Funds Terrorism et dans Top Ranking. Pour autant, la démarche de ces mixtapes est plus large car elle ne consiste pas qu’en un enchaînement percussif de tubes à partir d’une même base, mais s’aventure plutôt du côté du dialogue et de la synchronicité entre les morceaux originaux et ceux qui sont samplés, voire repris dans leur intégralité. Un syncrétisme utopique qui ne part pas d’un genre bien établi (ce que pourrait laisser entendre le titre de la mixtape Top Ranking: A Diplo Dub) mais assimile les points de départ et d’arrivée, entrelace les époques et les fait se répondre.
Piracy Funds Terrorism est le premier projet de M.I.A. et naît de la difficulté à sortir son premier album, pour lequel certains samples ont été difficiles à déclarer. La mixtape est ainsi créée en moins de deux semaines, dans l’appartement qu’elle partage avec Diplo qui est alors son compagnon. Cet isolement choisi et la prise de liberté qui l’accompagne les évincent de fait du système de distribution et de diffusion. En effet, rien, ni les samples de baile funk, ni les morceaux de hip-hop, ne sera déclaré. La contrainte créée une utopie, et plus que de revendiquer des influences, leur musique prend sa source directe dans ce qui existe déjà, et remet ainsi en jeu l’idée faussée de pureté et d’originalité. Dès lors, ce projet, tout comme les autres cités, est voué à être écouté gratuitement : extraits tronqués sur YouTube, Soundcloud, et totalité des fichiers disponible en peer-to-peer.

Piracy Funds Terrorism ne s’organise pas autour d’un schéma clair et alterne épisodiquement entre des morceaux produits par M.I.A, par Diplo ou à deux. Le premier morceau qui ouvre la mixtape est une démo reggaeton de « Galang », morceau que l’on retrouvera sur son premier album Arular. Par ailleurs, ce terme « galang », dérivé du patois jamaïcain est entré dans l’argot anglais (go along), et figure bien ce melting-pot culturel largement audible dans la musique de M.I.A. Première irruption : l’instru de « What Happened To That Boy » de Baby et Clipse produit par les Neptunes vient se substituer à celle de « Galang » pour s’adosser à la voix de M.I.A., et à celle du rappeur et artiste reggae américain Li’l Vicious greffée à l’ensemble.
Diplo et M.I.A. remixent ensuite deux morceaux produits par Timbaland (« Headsprung » de LL Cool J et « Pass That Dutch » de Missy Elliott —sur lequel M.I.A accompagne virtuellement Missy Elliott sous forme d’adlibs). Ici, les basses caractéristiques de Timbaland sont amorties, comme estompées et l’ensemble est globalement plus enlevé. Si l’on devait trouver une certaine cohérence au son de PFT, il se maintient dans un registre de mise en avant des rythmes et des percussions légères qui les composent, ce qui lui donne un caractère guilleret qui rappelle les boîtes à musique.
Le morceau « Hip Hop » de Dead Prez voit son refrain transformé en « Pop » ; politique et pop culture —dans les grandes lignes— y sont traités un peu gauchement par la chanteuse. Il est question de George W. Bush, Kate Moss et Nokia de façon générique, évacuant ainsi la force des paroles du morceau de Dead Prez —car plus situées— qui, à l’orée du 21è siècle se questionnaient sur l’avenir du hip-hop en tant que force contestataire lorsqu’il est vicié par l’argent. Là est la première conséquence de ce mode de création qui fonctionne par collage et association ; il peut dévaluer —malgré lui— certains discours en les amputant, tout en en aménageant d’autres de façon plus inattendue. Pour autant, M.I.A. ne cesse de faire référence à sa culture sri-lankaise, accouchant d’une chanson comme « Amazon » où elle s’interroge sur certains réflexes culturels : la façon dont le corps des femmes est perçu, au Royaume-Uni et au Sri Lanka. Elle imagine alors le récit d’une jeune fille qui se fait kidnapper, qui est oubliée par la société mais qui finit par pardonner à son agresseur : un discours plus sibyllin, et d’une certaine manière, plus juste.
Enfin, sur la dernière partie de la mixtape sont réintégrés des morceaux de baile funk déjà entendus dans Favelas on Blast. Ainsi, « Bucky Done Gun » insère « Injeção » de Deize Tigrona, qui samplait les premières secondes de l’OST de Rocky de Bill Conti. Cette réécriture par M.I.A. et Diplo d’un tube brésilien, deviendra à son tour un énorme succès local en passant notamment sur MTV Brasil. C’est alors la première fois que du baile funk, considéré comme la musique des pauvres, est diffusé sur une chaîne commerciale. Tout comme le morceau de Deize Tigrona investissait un hymne distinctif de la culture étasunienne, le succès surprise de « Bucky Done Gun » vient mettre en avant le sort de la musique globalisée, toujours plus impure et bigarrée, et dont les brassages infinis finissent par se superposer et se confondre.

Piracy Funds Terrorism et Top Ranking : A Diplo Dub ont souvent été comparés, mais si tout les rapproche dans leur forme à première vue, on ne peut en tirer exactement les mêmes conclusions. Top Ranking fait suite à la sortie du premier album de Santigold —il n’y a pas de démo de ses morceaux, mais des remix— là où PFT sortait en amont du premier projet officiel de M.I.A. Celui-ci est animé d’un sentiment d’urgence qui semble cristalliser un moment charnière, vindicatif à sa manière, et résolument de son temps (il passera entre toutes les mains, dans toutes les soirées), bien plus que Top Ranking qui, à la manière d’une coulée indéfinie, est beaucoup plus polyvalent. Top Ranking touche à de nombreux genres (soul, hip-hop, indie rock, reggae, dub, dubstep…) en empruntant parfois des chemins inattendus qui peuvent rendre l’écoute cahoteuse. On assiste ainsi à un début lent qui fait la part belle à des morceaux rock et soul qui s’étirent difficilement jusqu’à un tournant reggae, puis, une course dubstep phénoménale dans le dernier tiers du mix, jusqu’à finalement atteindre la conclusion « dub » éponyme avec des morceaux de Barrington Levy et Prince Jazzbo. Ainsi, les circonvolutions de Top Ranking se distinguent de PFT, plus stable, qui reflète le style de pop avant-gardiste pratiqué par M.I.A.

Le dessein de Top Ranking de Diplo et Santigold ne se dévoile pas tout de suite. La mixtape est criblée de revirements qui amorcent les transitions entre chaque morceau. On peut néanmoins, dans les grandes lignes, repérer plusieurs mouvements au sein de la mixtape : dans le premier, on entend des reworks de morceaux de Santigold, sortis sur son album quelques mois auparavant. Par exemple, « I’m a Lady » est vidé de sa sève indie ; la voix passe derrière, comme voilée par la reverb, et intègre désormais un sample de « A Love Song » de Amanda Blank. Le beat électronique et la mélodie s’étendent à la track suivante, partagée avec Sir Mix-A-Lot pour un couplet virtuel. Même opération d’évidement pour « Lights Out » qui fait disparaître les guitares afin de créer un espace de recueillement où seules subsistent des percussions martiales qui semblent annoncer quelque chose de grand. Rien de tout cela, le premier virage amorce une forme plus simple et modeste : s’enchaînent une version étonnamment intouchée de « Save Me » d’Aretha Franklin ; un morceau de DEVO dont toute l’excentricité initiale est restituée, comme celle de « Mesapotomia » de The B-52’s et de « Gerry And The Holograms » du groupe éponyme, qui lui font directement suite. On constate l’absence d’une forme claire car Diplo et Santigold choisissent tantôt de détricoter en profondeur des morceaux, tantôt de les garder plutôt inchangés par la suite. De ce fait, ce premier mouvement consiste en une série de morceaux de Santigold, desquels on se serait débarrassé de la substance rock, pour la retrouver dans un enchaînement post-punk/synth-rock du début des années 80, jusqu’à un sample de Kraftwerk qui augure un retour vers des sonorités plus électroniques.
Ce premier tiers est si patient dans son développement qu’on en vient à se poser la question du « dub » titulaire. Le deuxième mouvement de la mixtape s’ouvre par un remix électronique du tube de Santigold « L.E.S Artistes » par XxxChange, sorti quelques jours avant l’album, en mai 2008. Les textures vaporeuses du synthétiseur se déploient le long d’une suite simple d’accords élégiaques soutenue par des basses syncopées avec la caisse claire sur le troisième temps de la mesure. Sur la fin du morceau, Diplo intègre un couplet du chanteur jamaïcain de dancehall Mavado qui chante un bout de son morceau « Weh Dem A Do ». Ce rework, qui fonctionne par une mise en avant de la voix et de ses inflexions, auréolée par les accords et le battement oscillant des drums, est d’autant plus beau que dans le morceau original de Mavado, le riddim (« Red Bull & Guinness ») était quasiment a-mélodique. Cette plongée dans le dub et ses dérivés devient plus explicite lorsque Cutty Ranks, dans une interlude vocale, clame : « Let’s get some music now ! ». Dans « Find a Way », la voix de Santigold est légèrement modifiée électroniquement de manière à rappeler la sinuosité du son des chanteurs jamaïcains sans qu’elle n’ait à les imiter. S’ensuit un enchaînement bavard, Richie Spice, Desmond Dekker, une reprise de « Guns of Brixton » par Santigold, ou encore le sample vocal d’ « Under mi sensi » de Barrington Levy sur un morceau de Dj Tony Matterhorn.
Puis, vient une incursion de M.I.A. et Gorilla Zoe sur « Get It Up », et surtout un étrange interlude, où l’on entend, comme son titre l’indique, « Mark Ronson in Studio ». Il discute avec Santigold et lui dit qu’il veut faire une reprise de « Creator » car il adore ce morceau, mais qu’il veut transformer cet « indie recording » et ses « shitty computer sounds » de manière à en faire une version « seventies sort of jazz lounge » pour « increase » (augmenter) son potentiel grâce à ses trompettes signature que l’on entend subrepticement. Cet interlude sonne comme une mise en abîme abâtardie de ce qui pourrait être l’enjeu de la mixtape : tenter de décupler le potentiel de chansons en les retravaillant. Néanmoins, et c’est là que réside son intérêt tout autant que son incongruité : il n’y a jamais de choix définitif entre le mashup, le remix ou le fait de laisser le morceau intouché. Par ailleurs, Diplo n’est pas à l’origine de tous les remix utilisés. Ils sont parfois la base sur laquelle il travaille, ce qui conduit à une équivocité des sons et fait se répondre des styles très différents.
Le dernier tiers, continue dans son enchaînement de morceaux jamaïcains, parfois lo-fi et sans accompagnement comme « Barbwire » de Nora Dean, jusqu’à amorcer une véritable fuite dubstep. Elle est ouverte par le morceau dub des Clash « Ghetto Defendant » sorti en 1982. Cette ode à Rimbaud et aux travailleurs est télescopée dans le morceau wobble-isant de Skream « Check It » en featuring avec la chanteuse jamaïcaine basée à Londres, Warrior Queen. Diplo substitue alors à Skream un autre tube dubstep, « Night » de Benga et Coki avant de le faire revenir avec « Stagger », sur lequel il superpose le premier couplet de Shawty Lo sur « Dey Know ». Les enchaînements sont précis, réjouissants, et parfois si ténus qu’il est difficile de tout saisir. Le morceau d’après est un rework de « Creator » remixé non par Mark Ronson mais par Mumdance, dans lequel s’ajoutent subrepticement dix secondes de l’instru espiègle de « Crank That » de Soulja Boy.
Ces variations constantes ont pour conséquence directe une dispersion du son. Là réside toute la puissance du mashup dans sa capacité à faire advenir l’éclatement et la multiplicité. Ce mouvement n’est pas exactement celui de la contradiction, à savoir que Aretha Franklin et Skream ne seraient pas compatibles, mais d’un accueil indistinct, d’un brassage où tout vit et tient sur une ligne vacillante, mais qui ne lorgne jamais très longtemps d’un côté ou de l’autre : une alchimie, une fusion partielle dont chaque composante conserve ses aspérités propres. Ici, le trajet est évolutif ; les genres musicaux convoqués, plus que de se succéder, semblent accoucher les uns des autres. Et si Diplo a estimé que « la politique était une chose terrible pour la musique », ses influences musicales sont politiques malgré lui. Quelque chose surnage et se maintient : la force fluctuante du collage, la voix de Santigold, de M.I.A. et de tous les autres, l’inattendu et la coexistence des mondes.
Article écrit par Laura.
(Crédit Visuel Bannière : Collage de Diplo, M.I.A et Santigold réalisé à partir de photographies de John De Lima, Liz Johnson Arthur et Kent Andreasen)