ENTRETIEN AVEC NICHOLAS CRAVEN : « JE VEUX ÊTRE RECONNU COMME L’UN DES MEILLEURS ARTISTES HIP-HOP DE TOUS LES TEMPS »

C’est dans l’intimité d’un modeste Airbnb de Détroit qu’est né Fair Exchange No Robbery. En seulement trois jours d’un mois de mai paisible, Boldy James, Nicholas Craven et, dans l’ombre, Mike Shabb, ont rassemblé leur force pour sortir un projet dont l’aménité du climat dans lequel il a été confectionné n’a d’égal que la frilosité qui en exhale. Le doyen de la cité des ruines se mue, comme à son habitude, en observateur lucide sur son passif lourd et un environnement dépravé où les vestiges de pierres ne sont qu’un lointain souvenir de ce qu’était la ville autrefois. En dépit du corps inerte auquel s’apparente la métropole, elle ne cesse d’être ranimée par la musique: de la soul à l’électro en passant évidemment par le hip-hop. C’est à partir de cette richesse artistique débordante que Nicholas Craven, à coup de samples suaves et léchés,  établit les édifices d’une bande-son fidèle à Détroit. Quelques jours après la sortie de Fair Exchange No Robbery, le beatmaker montréalais revient pour Gather sur la conception de son premier projet avec Boldy James et nous confie sa vision de la musique. (Crédit photo bannière : Guillaume Landry)

Douze jours après la sortie de Fair Exchange No Robbery, quel est ton ressenti sur les retours ?

Ça a dépassé toutes mes attentes, et mes attentes étaient déjà très hautes. Donc je suis vraiment content. Dans le fond, basé sur les deux chansons que j’ai faites avec Boldy qu’on a sorties en singles avant l’album, même quatre si on compte « Death and Taxes » et « Yzerman » que j’ai sorties comme singles de Craven N 3, toutes avaient fait des bons chiffres, toutes les chansons avaient été bien reçues par les fans. Alors quand je suis arrivé avec 10 chansons d’un coup, je me disais que ça allait bien bouger. Mais honnêtement je pense que le fait que ça soit un album complet, une expérience, maintenant les gens apprécient encore plus.

À quel moment avez-vous eu l’idée de collaborer autour de ce projet ?

Boldy est venu à Montréal avec Alchemist, Earl Sweatshirt, Action Bronson et Black Noi$e en mai. C’est ce soir-là que moi et Boldy on est allé au studio et qu’on a fait « Death and Taxes ». Le même soir, après avoir fait ce son, on a pensé que l’idée de faire un album serait cool. Quelques semaines plus tard, j’étais à Paris et je reçois son appel qui me dit de venir à Détroit dès que je pouvais. Je suis revenu de France le 23 août et le 25 j’étais à Détroit avec Mike Shabb. C’est d’ailleurs dans l’avion que j’ai produit « Town & Country ». Au final, on a fait l’album en trois jours. On avait déjà fait huit des 10 chansons en 23 h.

Le fait que la place des producteurs commence de plus en plus à prendre de l’importance, ça te conforte dans cette démarche de projet collaboratif entre producteur et rappeur ?

Ouais, dans le fond c’est quelque chose que j’avais fait auparavant aussi avec Akhenaton, Ransom, Tha God Fahim. C’était pour ajouter à ça. Je vais parfois faire des projets complets pour des artistes, mais c’est quand même leur projet. Tandis que les projets où je mets mon nom, c’est vraiment un projet où j’ai plus de pouvoir de décision. Quand je travaille avec des artistes, j’aime les laisser prendre les décisions. J’aime déjà ce qu’ils font et moi, je ne suis pas capable de faire les mêmes choix qu’eux, je n’ai pas nécessairement les mêmes goûts, la même vision. Alors, souvent, quand c’est un artiste que j’apprécie, je vais le laisser prendre les devants et moi, je vais suivre. Des fois, avec un même artiste, on refait un album ensemble, sur lequel on prend toutes les décisions ensemble, mais quand je me mets dans les crédits comme artiste principal, c’est parce que j’ai beaucoup travaillé sur l’album.

Justement, t’as produit pour énormément d’artistes. Donc comment t’adaptes-tu ici à la direction artistique de Boldy James?

Je trouve d’abord qu’il faut mettre les artistes à l’aise, propice à la créativité, et leur donner ce dont ils ont besoin. Moi, j’arrive avec des milliers de beats dans mon laptop et je leur joue tout, et eux choisissent les sonorités qui leur conviennent. Pour Boldy, on est allé à Détroit. J’ai l’impression que beaucoup des albums de Boldy, avec Real Bad Man ou The Alchemist, qui sont des artistes californiens, ont été faits à Los Angeles, tandis que cet album a été réalisé dans son intégralité à Détroit. On a enregistré dans un Airbnb. Nous, on pensait aller au studio, mais Boldy a insisté pour le faire dans le Airbnb. On a tout fait pour qu’il soit à l’aise et qu’il puisse choisir les beats qu’il préférait. Il y a quelques fois où il me demandait ce que je pensais, et c’est là que je lui ai sorti le beat de « Power Nap », parce que je savais qu’il l’aimerait beaucoup. C’était pareil pour « Straight and Tall ». La majorité des autres beats, c’est lui qui les mettait de côté pendant qu’on parcourait la bibliothèque.

Qu’est ce que t’inspire Détroit ?

Pour moi, l’essence de Détroit c’est la musique soul. Ça représente beaucoup de choses même en dehors de la musique mais c’est vrai qu’en ce moment, Détroit est vachement délabré dans plusieurs parties de la ville, et avoir ce genre de beats-là avec ces scènes-là, ça fait un peu un contraste. Quand j’y suis allé, c’était gris, il n’y avait pas vraiment de soleil, on était avec Boldy en train d’écouter les beats, en train de se promener dans l’Eastside de Détroit, et c’était vraiment particulier. S’il m’avait dit d’aller au Delaware, j’y serais allé, mais c’est vraiment Boldy qui m’a dit de venir à Détroit et j’ai directement pris un avion.

Détroit pour moi, c’est aussi le Motown, c’est les automobiles américaines. Tout le monde avait des autos américaines, des Buick, des Cadillac, des Ford. Il y a encore une forte culture avec les voitures classiques. Je me souviens, il y avait une vielle LT qui était folle, on a fait des photos avec. D’ailleurs, je voulais les utiliser pour la pochette, mais Boldy voulait quelque chose de plus créatif. Détroit, honnêtement, c’est vraiment l’une des meilleures villes quand on parle de culture hip-hop. On parle de J Dilla, de Black Milk, de la vieille école sound horrorcore comme Esham. Et puis après t’as Eminem, Royce da 5’9, Elzhi, Slum Village. Il y a tellement un son qui est différent, même le nouveau son du Detroit rap. Et ce qu’ils appellent la plug en France, c’est beaucoup influencé par Détroit. On parle aussi de techno, qui vient de Détroit. Finalement, c’est une ville très propice à la créativité et aux sons originaux.

Tu mentionnes la soul, la techno, le hip-hop… Comment te définirais-tu musicalement ?

Hip-hop en général. Finalement, le hip-hop a toujours puisé dans la soul et la funk. Dans les années 70-80, quand les gens utilisaient des vinyles, c’était toujours des beats de funk, des breakbeats, des choses rapides pour que tout le monde puisse break-down dessus. Moi, c’est comme si j’étais un gars de cette époque là mais en faisant de la musique plus lente, plus relax, un style de rap qui n’existait pas à cette époque là, moins party.

C’est quoi ton secret pour trouver des samples aussi originaux du coup ?

Dans le fond, si tu connais pas le hip-hop et que tu n’écoutes pas tellement de musique, dans ta tête, tout ce que tu entends n’a jamais été utilisé. Quand tu commences à étudier, c’est là que tu peux faire des choix. On sait que tous les bons samples d’Al Green ont été pris. La majorité des gros samples de Diana Ross, de Barry White, on les a déjà entendus dans des beats. Une fois que tu comprends les samples populaires du hip-hop, tu sais qui sont les artistes populaires et les styles qu’on utilise pour les samples. Quand tu vas te dire ça, tu vas commencer à trouver des noms que tu n’as jamais vus. Moi, si je vois une artiste sur une pochette d’album dont je ne reconnais pas du tout le nom, et que je regarde à l’arrière et c’est écrit 1975, c’est sûr que je vais l’acheter et aller l’écouter pour m’assurer qu’il y ait des bonnes choses dessus et que ce n’est pas de la country (rires). 99 % du temps où un album me tombe dans les mains, c’est sûr qu’il y aura matière à sampler.

Digger autant, c’est un moyen pour toi de ne pas te lasser de la production ?

Exactement. Il n’y a pas vraiment de place pour les blocages. Moi, je suis un homme qui aime la musique. Si j’écoute de la musique, je serais toujours content. Ma méthode pour ne pas me lasser c’est d’écouter de la musique. Alors tant qu’il reste de la musique à écouter que j’ai pas entendue, je vais continuer à être inspiré.

Beaucoup d’artistes ont influencé ta manière de produire, dont MF Doom, que tu cites souvent. Qu’est-ce que tu trouvais de si singulier chez lui ?

Je trouve que le hip-hop, thématiquement, verbalement, est assez limité. Une chose qui est cool, c’est qu’il y a des gens qui trouvent de nouvelles façons d’être intelligent et créatif dans ces limites. MF Doom est l’un des artistes les plus créatifs, je pense, que le hip-hop ait jamais vu. Au final, il va juste rapper, il ne va jamais venir chanter une chanson même si, parfois, il va faire une petite mélodie fausse pour une chanson, vite fait. MF Doom, c’est un rappeur, au final. C’est un street rapper. Sa façon d’illustrer ce que l’on connaît du hip-hop est tellement originale. Je parlais avec Mike Shabb, et lui, il préfère le MF Doom producer. Moi, je préfère le rap de MF Doom, même si sa production m’a énormément influencé. Pour moi, le rap de MF Doom c’est drôle, c’est intelligent, c’est imagé, c’est rafraîchissant, ça t’apprend des choses, les références ont toujours été intéressantes. Il y a rarement eu des rappeurs aussi créatifs que lui.

Penses-tu qu’il y ait encore de la place pour l’innovation et la créacivité dans le rap ? Le public est-il capable de l’accueillir ?

Je ne pense pas que le public recherche l’innovation. Moi, je suis un gars qui aime les initiateurs de leur mouvement, même s’il y a d’autres gens qui ont pris leur son, l’ont perfectionné et l’ont rendu meilleur. J’aime beaucoup les gens qui créent des choses nouvelles, comme Roc Marciano ou Rakim, des dudes comme ça. Je ne pense pas que le public soit comme moi et soit toujours en recherche d’innovation, mais au final elle vient toujours naturellement. Quand tu penses à Pop Smoke, sur un plan d’innovation commerciale, le son drill est un son novateur. Il y a six ou sept ans, personne n’écoutait d’un point de vue commercial, et maintenant tu as des gens comme Ice Spice qui deviennent viraux. Le son doit toujours changer et le public va finir par l’accepter. Le public ne recherche pas nécessairement la créativité et l’originalité, mais ce sont les produits de la créativité et l’originalité qui sont appréciés. Moi, je suis un gars qui aime les concepts et je vais toujours aller étudier ces mecs-là, regarder des documentaires de Felonious Munk par exemple. Mais bon, je pense que c’est plus un truc pour les artistes avant tout.

Tu as cité Roc Marciano plusieurs fois, et dans certaines interviews, tu disais faire comme lui de la « musique lounge« . Quelle est ta définition de ce terme ?

Dans le fond, il y a la musique de party et il y a la musique où tu te relaxes, tu fumes un joint et tu chill. Tu écoutes ça avec tes amis, tu écoutes les paroles. Il y a toujours eu du rap comme ça, du rap de club et du rap plus underground. Mais le rap en tant que tel est une musique très jeune, d’à peine 50 ans. Quand tu penses au jazz, ça a débuté à la fin du XIXe siècle et Miles Davis est arrivé en 1950, soit 60 ans après. C’est à cette époque qu’est sorti Bitches Brew, que Coltrane a fait A Love Supreme. En comparaison, le hip-hop est très jeune. Je trouve que la musique de Roc Marciano est le début de la phase adulte du hip-hop, la phase où des artistes comme Jay-Z sortent des chansons dans leur cinquantaine. Et finalement, le son de Roc Marciano a toujours existé avec des groupes comme EPMD, ou Wu Tang Clan sur The W, comme avec des beats de RZA sur Hollow Bones. Mais à part pour ces exemples, ce type de beat était réservé aux interludes, et à des outros ou intros. Le fait de faire une carrière complète sur ce style de son comme Roc Marciano, c’est quelque chose qui a du sens. Quand il sort Macberg, il est déjà dans la trentaine et il choisit de faire de la musique avec des grosses lyrics sur des gros samples. J’écoute beaucoup de soul, de la musique plus vieille et c’est vraiment moderniser ce son-là avec des thèmes, du rap et des idées nouvelles. Ce n’est pas nécessairement tout le temps de la musique lounge mais il s’agit juste d’avoir de la musique plus naturelle et acoustique.

Tu parles de Jay-Z. Cette année, on a vu plusieurs rappeurs de plus de 40, voire 50 ans, faire leur retour. Est ce que plus ça va et plus on a arrêté d’imposer une limite d’âge dans le rap ?

Exactement. Dans la phase où on a grandi, on ne pouvait pas avoir des rappeurs de 40 ans. Quand il y avait Soulja Boy ou Lil Wayne, tu ne pouvais pas avoir un rappeur qui sort à 50 ans un album. La longévité va arriver dans le rap parce que maintenant, les gens voudront toujours voir un show de Jay-Z. Si jamais Jay-Z veut faire un show à 80 ans, il pourra encore le faire, pareil pour Kanye, pareil pour Drake.

Jay-Z a mis un de tes morceaux avec Mach-Hommy dans sa playlist annuelle, Joe Budden a encensé plusieurs de tes projets, The Alchemist pareil. Qu’est ce que ça fait de recevoir la reconnaissance de ces gens-là ?

Je me demande maintenant si c’est vraiment important de prendre en compte l’avis de quelqu’un qui ne fait pas de la musique quand Jay-Z, Alchemist et Joe Budden apprécient mon travail. Je suis devenu bulletproof après des trucs comme ça. Ça va aussi dans mon CV, ça témoigne de ta valeur, tu peux monter ton prix. C’était vraiment la confirmation de quelque chose et la réussite quand tu es reconnu par tes pairs, il n’y a rien de mieux. Maintenant, j’essaye d’approcher ça et de l’utiliser à mon avantage.

En même temps, tu fais partie d’un écosystème où on trouve Boldy James, Mach-Hommy, Tha God Fahim, Westside Gunn, Ransom… Tu arrives à le réaliser ? 

Ce qui est fou, c’est que je n’ai jamais aimé autant la musique du présent qu’aujourd’hui. Quand j’étais plus jeune, j’écoutais de la musique plus vieille, jusqu’à ce que je découvre Roc Marciano. Les seuls dudes nouveaux que j’écoutais avant, ce sont des gars comme Sean Price, The Clips, Lil Wayne, mais il y avait beaucoup de nouveaux artistes que j’adorais. Moi, j’écoutais plutôt du vieux Wu Tang (Wu Tang Clan), du Ghostface (Ghostface Killah), Redman… Mais maintenant, toute ma musique préférée sort en ce moment et le fait de faire partie de ça, c’est mieux que si j’étais rentré dans le game avant. Le timing est parfait et je trouve que l’on est dans une des meilleures ères du hip-hop, si ce n’est la meilleure.

Pourquoi ?

C’est parce que grâce à Internet et ce que tu peux faire avec les réseaux sociaux pour agrandir ta propre fanbase, peu importe ce que tu fais, il y a une audience pour tout. Les dudes créatifs comme MF Doom, J Dilla et Madlib, des gars du left-field hip-hop, des gars qui sortaient de nulle part avec des sons expérimentaux, abstraits ; maintenant, ce son-là est presque devenu l’un des plus populaires. Tu vois leur reflet sur le commercial avec « Champagne Poetry » de Drake ou « Worldwide Stepper » de Kendrick, où tout le monde revient vers le sample ou des beats drumless, comme Kanye avec « The Life Of The Party ». Comme je disais, la créativité, et donc la capacité à trouver de nouveaux sons, est beaucoup plus populaire. Avec le fait aussi que les grandes maisons de disques soient moins importantes, il y a plus de pouvoir de décision de la part des artistes. Tout ça donne, pour moi, donne la meilleure musique qu’on ait jamais eu. Ce n’est peut-être pas la meilleure ère d’albums pour autant.

Le concept d’album n’est-il pas devenu obsolète en quelque sorte ?

Au final, un album est un produit que tu peux vendre. Une expérience d’album, c’est cool. Il y a toujours des albums fous qui offrent des aventures de quarante minutes, mais au bout du compte, c’est la musique la plus importante. On est maintenant dans une ère où la chanson le plus importante. Tu peux encore faire des albums de fou et travailler dessus, c’est encore un art. Cela dit, je ne pense pas que quelqu’un préfère un album à une chanson, puisque les albums sont composés de chansons.

En parlant de chansons, Boldy et toi êtes connus pour votre productivité. Est-ce que tu partages le point de vue d’Alchemist, qui disait avoir besoin d’être occupé toute l’année ? 

Ouais, c’est sûr, jusqu’à temps que j’accomplisse ce que je veux accomplir. Je veux être reconnu comme l’un des meilleurs artistes hip-hop de tous les temps. Une fois que j’y parviendrai, alors peut-être que je pourrais me calmer.

D’ailleurs, Boldy dit dans « Straight and Tall » : « May the best man win, winner takes all ». Tu partages ce mantra ?

Clairement. « May the best man win », ça implique de donner le meilleur de soi, de créer la meilleure chose qui soit, et c’est de cette manière que le « winner takes all ».

Pour conclure, vu que tu es en pleine activité, sur quoi te penches-tu actuellement ?

En ce moment, la seule chose que je vois, c’est de faire plus de musique, peut-être en expérimentant avec d’autres styles de musique. Faire un peu plus de RnB, c’est un peu ce que j’essaye de faire en ce moment. Mais moi, tout ce que je veux, c’est faire plus d’albums avec Boldy, faire un album avec Mach (Mach-Hommy), faire un album Roc Marciano, faire un album avec Jay-Z, un album avec Nas, avec Ghostface. Ce ne sont que des choses que j’ai envie de faire et pour lesquelles je vais tout faire, afin de m’en approcher et de les atteindre.

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