BALADE NOCTURNE AVEC LUNI SACKS

Véritable pionnier de l’underground aux yeux d’une fanbase particulièrement solide, Luni Sacks n’en demeure pas moins un artiste au profil mystérieux. Son parcours de vie n’est également pas des plus communs, originaire d’Annecy, il y passera toute son enfance et adolescence avant de rejoindre Londres après un rapide passage du côté de Lyon. Pourquoi la capitale anglaise et pas Paris ? Le rappeur se décrit lui même comme un voyageur ayant toujours eu l’habitude de baigner au sein de différentes cultures notamment entre la France et la Suisse très tôt dans sa vie. Pour un jeune homme à l’esprit artistique et surtout à l’envie de découvrir de nouveaux horizons, Londres s’imposait dès lors comme une évidence.

On avait encore en tête son premier album solo « Conec Ville » qui se voulait globalement dans la lignée de ce qu’avait pu montrer le natif d’Annecy par le passé. L’occasion pour surprendre semblait dès lors plus que parfaite avec ce nouveau projet intitulé « Seltana Gene » qui ne ressemble pas particulièrement à ce dont Luni nous a habitué. Forcément, face à ce virage, l’envie de connaître les possibles raisons derrière devient forte et nous devrions pouvoir vous donner quelques éléments de réponses bien que le moteur de tout ça restera toujours l’esprit créatif de l’artiste.

À partir de 2020, un événement est venu bouleverser le quotidien de la planète entière et, oui, vous avez déjà lu ce genre de teasing 300 fois donc allons à l’essentiel : la pandémie. L’impact de cette dernière sur la création artistique est particulièrement significatif et on continue à en observer les retombées aujourd’hui. On avait notamment longuement parlé du cas de Earl Sweatshirt sur notre site dont le covid avait impacté le quotidien au point de recommencer son projet en cours de création pour en faire un élément moteur.

Pour en revenir à notre artiste, il se retrouve donc seul confiné du côté de Londres. Bien logiquement, l’état d’esprit évolue rapidement dans ces conditions. Exit l’esprit festif laissant place à des bangers explosifs, direction vers une vision beaucoup plus posée, catchy et par moment particulièrement introspective. On serait tenté de parler de maturité sans trop de raisons apparentes étant donné que le projet correspond finalement à un contexte très particulier. C’est donc finalement seul, chez lui, que Luni va composer et produire cet album à l’exception de deux titres produit par son acolyte Daniel Ness accompagné de HNRO. Certains auront probablement déjà fait la déduction suivante : une bonne majorité du projet est donc déjà assez datée. Les ajouts les plus récents datent en réalité de fin 2021. C’est de ce fait un disque dévoilé avec un certain recul de la part de l’artiste et cette donnée ne s’avère en réalité pas si étonnante à l’écoute du projet.

Le spectacle commence sur un titre très introspectif durant lequel le rappeur revient longuement sur sa jeunesse en accentuant sur certains détails. La mélodie est captivante et nous fait rentrer aisément dans l’univers du projet. Le tapis rouge est dès lors parfaitement déroulé pour le single du projet « Nuit Blanche » et son rythme clairement apaisant. Le refrain reste en tête, on peut sans problème parler d’efficacité maximale. Luni maintient cette attitude chill tout au long de son œuvre tout en nous entraînant dans différents univers. « Dis En Moins » et ses petites touches dansantes finement instaurées par la production font mouche avant de laisser place à une ambiance plus propice à la réflexion avec le spacieux « Promesses ». Le rappeur y évoque ses démons avec une certaine fatalité, le moment pour agir semble passé depuis bien longtemps et il fera avec pour le reste de son existence. Le londonien d’adoption ne manque pas de rappeler qu’il a accompli ce chemin seul, accompagné de ses proches, sans compter sur l’industrie, une défiance vis-à-vis de cette dernière exprimée d’ailleurs plusieurs fois à travers l’album.

J’suis toujours dans la dualité

Des fois j’ai plus aucun amour pour l’humanité

Intro

Personne ne m’a fait, j’te laisse ton mentor de merde

J’traine avec mes amis, j’connais pas ces putain de chanteurs de merde

Promesses

Le natif d’Annecy reste droit dans sa nouvelle direction artistique durant tout le projet. L’enchaînement des tracks se fait naturellement, parfois bien aidé par les interludes, tout en permettant de donner une sensation de « moments » à part entière aux différents titres. Un ressenti criant sur « ça va barder » qui trouve paisiblement sa place dans la continuité des morceaux malgré son identité assez marquée pour nous embarquer sur plus de 3mn30. L’outro, « Piranhas » est fidèle à l’énergie du projet avec de multiples confessions. Luni s’interroge notamment sur son avenir aussi bien sur le plan artistique que sur le plan humain. On ressent de nouveau une certaine résignation dans les paroles, une acceptation de la situation est alors exprimée comme avec dépit. Le rappeur a toujours cette volonté d’aller loin dans la musique mais le message est très clair : il ne se formatera pas aux normes de l’industrie et ne se mélangera pas non plus à tout ce petit milieu pour réussir.

Si on devait assimiler ce projet à une expérience, on pourrait penser à une longue ride de nuit avec les pensées et les rétrospectives qu’elle peut infliger. L’aspect musical des 10 titres facilite cette impression avec une ambiance assez tamisée. Bien évidemment, l’esprit de « Nuit Blanche » va également dans ce sens aussi bien dans l’intitulé que dans le clip. Chacun assimilera au mieux l’album à un contexte favorable, très solaire pour certains, plus sombre et froid pour d’autres.

Les thèmes de l’intimité et de l’introspection dominent l’album dans sa globalité et c’est bien sur ce point qu’on peut en déduire l’impact de la pandémie. Une direction, notamment sur le plan des sonorités, qui en a surpris plus d’un et qui ne pourra pas convaincre l’ensemble de la fanbase déjà acquise. En revanche, ces nouvelles vibes ouvrent clairement la porte à un public nouveau avec des goûts un peu plus diversifiés. Le travail de production sur toute la durée mérite d’être mis en avant. Luni Sacks a forcément des inspirations musicales qui l’ont plus ou moins orienté sur certains chemins au début de sa carrière. Il faut cependant lui attribuer le mérite de les avoir méticuleusement assimilées au point de s’être façonné son propre monde sans le moindre signe flagrant de « reprises », un phénomène régulièrement gênant au sein de l’underground français. Le background de notre artiste riche de différentes cultures aura probablement facilité la création d’un univers propre à lui.

« Seltana Gene » n’est sans doute pas le projet le plus tape à l’œil de l’année ni le plus taillé pour tourner dans les innombrables soirées parisiennes mais sa différence dans l’approche semble déjà impacter positivement les retours. Luni a éveillé bien des curiosités avec ce disque et maintient habilement sa présence dans l’esprit des auditeurs. Ne comptez pas sur lui en revanche pour quitter Londres et devenir un de ces artistes omniprésents. Notre talent compte rester fidèle à ses principes et continuer son évolution comme il l’entend. En attendant de voir et surtout d’entendre tout ça, vous avez déjà une parfaite bande son pour votre été avec cette œuvre plus que plaisante.

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